Ivo Adam: «Le but? Faire ce que j’aime!»


Article publié par Gastrojournal, écrit par Caroline Goldschmid.

Inauguré fin 2012, l’After Seven a rapidement décroché une étoile Michelin, puis une deuxième en 2016. Le restaurant affiche également 17 points au Gault Millau. Mais ce qui rend cet établissement unique, au-delà de sa durée éphémère, c’est qu’il doit être installé tous les jours, pour le service du soir. Coup de fil à Ivo Adam, 41 ans, à l’origine de ce projet hors du commun.

En 2012, vous avez approché l’hôtelier Heinz Julen avec l’idée d’ouvrir un restaurant pop-up à Zermatt. Pouvez-vous nous en raconter le contexte?
A l’époque, je gérais des restaurants à Ascona. J’étais à la recherche d’un lieu à exploiter l’hiver – il n’y a pas beaucoup d’activité dans ce village tessinois durant cette saison –, afin de pouvoir garder mes collaborateurs et travailler avec eux sur le long terme. J’ai cherché à Gstaad, à Saint-Moritz, à Arosa et enfin à Zermatt. Avec son concept et son architecture, l’hôtel de Heinz Julen, le Backstage, était l’endroit idéal.

Comment s’est passée la rencontre?
Nous nous sommes rencontrés par hasard, lors d’un repas à l’Iglu-Dorf (n.d.l.r.: village d’igloos). Il se trouve que nos épouses nous avaient offert un repas dans ce restaurant et nous y étions au même moment! J’en ai profité pour l’aborder et lui présenter mon idée de restaurant pop-up. Cela lui a plu de suite puisque la salle du petit-déjeuner n’était pas exploitée le soir.

Votre restaurant After Seven n’est ouvert que quatre mois, de décembre à fin mars. Est-ce pour cela qu’on peut parler de «pop-up»?
Pas seulement. La vraie raison, c’est que nous devons littéralement installer le restaurant tous les soirs: le même espace est utilisé pour servir le petit-déjeuner en matinée et comme lounge l’après-midi. Chaque jour, entre 17 h et 19 h, nous transformons les lieux en restaurant. Nous devons déménager la cuisine, les tables et les chaises…

Quelles sont les difficultés lorsque l’on gère un restaurant en montagne?
Evidemment, il s’agit de bien s’organiser au niveau des commandes. Dans notre cas, non seulement l’établissement est situé en altitude, mais en plus il n’est ouvert que quatre mois. Cela signifie que les boissons et le vin, ainsi que la plupart des aliments, doivent arriver sur place avant le début de l’exploitation et en quantité suffisante pour tout l’hiver. L’autre difficulté a été de trouver de bons producteurs et livreurs, notamment pour le poisson et pour la viande. Nous recevons la marchandise un jour après l’avoir commandée et si la qualité n’est pas optimale au moment de la livraison, il est im-possible de la remplacer en deux heures, contrairement à un restaurant qui se trouve en ville. C’est un vrai défi! Heu-reusement, nous avons trouvé d’excellents partenaires en qui nous avons confiance et qui nous livrent des produits frais de qualité.

Comment adapter sa carte pour un restaurant situé dans une station de ski?
Il y a beaucoup de très bons restaurants à Zermatt, dont un grand nombre qui servent des plats traditionnels suisses comme la fondue et la raclette. Nous ne voulions donc pas miser sur des classiques. Nous proposons une cuisine inter-nationale, avec des influences italiennes, françaises et asiatiques. Aussi parce qu’il est difficile de faire une cuisine régio-nale en hiver. Mais nous essayons tant que faire se peut de privilégier les produits locaux.

En sept hivers, votre carte n’a pas beaucoup évolué, alors?
En effet. D’ailleurs, nous n’avons pas de carte! Le concept: seize denrées alimentaires sont affichées sur une plaque en aluminium. Par exemple, «Les travers de porc», «Le flétan», «Le chocolat», etc. Le client précise uniquement ce qu’il n’aime pas et ne paie pas pour le nombre de plats, mais pour la durée de son repas. Il choisit s’il veut manger durant une, deux, trois heures ou plus. Nous changeons les propositions deux fois dans la saison. Avec seize produits, nous arrivons à concocter deux menus de sept plats et il reste ainsi une option végétarienne et une sans gluten.

Vous avez repris la direction du centre culturel et gastronomique Casino Bern, à Berne, il y a trois ans (n.d.l.r.: il est en rénovation et ouvrira à l’automne 2019). Comment fait-on pour gérer plusieurs établissements simultanément?
En travaillant beaucoup! (Il rit). Sérieusement, je ne me rends à Zermatt que le week-end. La semaine, je suis à Berne. Florian Neubauer, avec qui je travaille depuis huit ans, est le chef de cuisine de l’After Seven, et c’est lui qui gère le restaurant au quotidien.

Quels sont vos objectifs pour 2019?
De continuer à faire ce que nous aimons! Et de tout mettre en œuvre pour que nos collaborateurs soient heureux. Je ne suis pas du genre à courir après les étoiles. Le principal challenge, et il se répète chaque année, c’est de constituer une bonne équipe pour garantir la même qualité de cuisine et de service durant quatre mois.