Christophe Rod a de quoi bomber le torse

Il faut dire que Christophe Rod s’est formé auprès des plus grands et que la chance a pointé le bout de son nez à chaque étape importante de sa vie. Membre des Grandes Tables de Suisse et affichant 15 points au Gault Millau, il fait partie des meilleurs ambassadeurs de la gastronomie suisse. Un rôle qui lui tient à coeur, convaincu que notre pays ne s’est toujours pas détaché de l’image véhiculée par les aventures de Heidi. Il en veut pour preuve son voyage au Japon, il y a quelques années. «Le consul suisse au Japon m’avait invité au Hilton d’Osaka, avec deux vignerons du Chablais, pour une quinzaine suisse. J’avais trois commis japonais à disposition. Avec le peu d’anglais que je savais, ce fut une sacrée expérience!» (Il rit)

«On est discret, mais on devrait plus bomber le torse»

Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est que les Japonais me demandaient si, en Suisse, nous avions tous un chalet en bois avec un petit potager devant. Il y a encore du travail pour montrer que notre pays a plus à offrir que la fondue et la raclette. On est discret, mais on devrait plus bomber le torse, car nous n’avons pas à rougir de notre gastronomie, de nos vins, de notre terroir…» Christophe Rod est un bon vivant et, dans son temps libre, il se passionne pour le vin.

Dans sa cuisine, qui oscille entre gastronomie et mets de brasserie, Christophe Rod privilégie les produits de saison et prend autant de plaisir à travailler de l’aile de raie que du pied de porc. D’après lui, il est bon de revisiter les classiques, sans pour autant vouloir chercher trop loin. «Une fois, je me suis rendu dans un restaurant bien classé, à l’étranger, et le dessert servi était une pomme de terre en robe des champs à la vanille. Je n’ai juste pas compris le délire! Si ce genre de concept fait le buzz dans des villes très touristiques et densément peuplées comme Paris, je pense qu’en Suisse, on n’a pas la même marge de manoeuvre en termes d’innovation. Je préfère miser sur la qualité et la constance.»

Ces deux valeurs constituent la base de la belle carrière que s’est bâtie le chef. Elles lui ont été inculquées dès ses débuts, qu’il a effectués sous les ordres de Denis Martin. «Quand je suis arrivé, il tenait Le Central, à Massongex, où il a commencé à se faire un nom. Puis, il a repris La Roseraie, à Yvorne, où j’ai terminé mon apprentissage. Il m’avait promis que si je réussissais, il m’emmènerait manger chez Frédy Girardet.» Le sort aidant, le restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier était à la recherche d’un commis. Un repas et une discussion entre chefs plus tard, Christophe Rod était engagé.

«Aux côtés de Girardet, j’ai appris à gérer le stress»

Le jeune Vaudois n’a que 18 ans, en 1988, lorsqu’il entame sa collaboration avec celui qui avait été sacré Meilleur chef du monde deux ans auparavant. En guise de maître, Christophe ne pouvait pas espérer mieux et l’exigence qui allait avec l’excellence ne lui faisait pas peur. «Bien sûr, il y a eu des moments très durs, des engueulées phénoménales, mais on savait pourquoi on était là. Cette expérience a été un énorme enrichissement. Maintenant, plus rien ne me fait peur: il peut y avoir n’importe quel imprévu, je saurai gérer le stress.» Et de citer en exemple un grave accident survenu en 1990, durant l’école de recrues. «Un brûleur à essence m’a giclé dessus et je suis devenu une torche humaine. Je suis resté calme, car, dans les cuisines de Girardet, j’avais appris à ne pas paniquer.» Brûlées au troisième degré, ses mains ont été greffées et sont redevenues parfaitement fonctionnelles.

«S’il faut rester ici jusqu’à mes 65 ans, aucun souci!»

Après neuf ans d’évolution au sein de la ruche de talents qu’est l’Hôtel de Ville de Crissier, l’envie d’aller voir ailleurs se fait sentir. C’est au Pont de Brent qu’il posera ses couteaux de cuisine, comme second de Gérard Rabaey. «Je lui avais toujours dit: «Le jour où je vous quitterai, ce sera pour me mettre à mon compte». J’avais travaillé avec les deux plus grands chefs de Suisse romande et j’arrivais à l’âge de 30 ans. Je voulais voler de mes propres ailes.» Il se trouve que La Roseraie était inoccupée depuis le départ de Denis Martin, quatre ans auparavant, et appartenait à une banque, qui cherchait un repreneur. Un coup de poker plus tard, il devient propriétaire.

Inaugurée en mai 2002, la table est sacrée «Découverte de l’année» par le Gault Millau à l’automne. Durant douze ans, les Rod font revivre de belles années à La Roseraie, Madame à l’accueil et lui aux fourneaux, mais le chiffre d’affaires stagne. Un soir, le couple dîne à l’Auberge de Lavaux et s’y sent comme à la maison. Coïncidence: le patron de l’époque voulait prendre sa retraite. Ses repreneurs étaient tout trouvés. Voilà plus de trois ans que le binôme donne le meilleur de lui-même dans cet écrin de verdure et de calme aux portes de Lavaux. «S’il faut rester ici jusqu’à mes 65 ans, pas de soucis!» Christophe Rod a les yeux qui pétillent. Chiche qu’il finira aussi bien qu’il a commencé.

Crédit Texte : Caroline Goldschmid
https://www.gastrojournal.ch/fr/infos/detail/christophe-rod-a-de-quoi-bomber-le-torse/

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Une page se tourne au Restaurant Georges Wenger

Georges et Andrea Wenger passent le témoin. Le chef étoilé et sa femme tiennent le Restaurant et Hôtel du Noirmont depuis 1981. Avec ses 18 points au GaultMillau et ses deux étoiles au Michelin, l’établissement rayonne depuis des années au-delà des frontières cantonales. A la veille de leurs 65 ans, et après avoir formé plus de 40 apprentis en cuisine ou au service, le couple a décidé de remettre les clés du restaurant et de l’hôtel à Jérémy Desbraux, actuel second à l’Hôtel de Ville de Crissier. Originaire du Jura français, le jeune homme de 32 ans a fait ses armes chez Etienne Krebs à l’Ermitage de Clarens puis chez Gérard Rabaey au Pont de Brent avant de rejoindre le Beau-Rivage à Lausanne chez Anne-Sophie Pic. Après sept ans à Crissier, cet «hyperactif de talent» rêvait de prendre son indépendance et d’investir son énergie dans un établissement qui serait à lui. Il se lancera dans l’aventure dès fin janvier. Sa compagne, Anaëlle Roze, qui a passé quatre ans en cuisine au Noirmont, prendra le relais à l’accueil, au service et à l’administration.

De leur côté, Georges et Andrea Wenger cherchaient à remettre leur établissement des Franches-Montagnes. « Mais ce n’est pas chose aisée lorsqu’on a porté la cuisine et le service à un tel niveau d’exigence. Il fallait donc un jeune chef enthousiaste, confiant dans ses capacités, aimant le Jura, et habité des mêmes valeurs », écrit George Wenger. L’enseigne continuera quelque temps encore à s’appeler Restaurant Georges Wenger.

Crédit Texte : Johanne Stettler
https://www.gastrojournal.ch/fr/infos/detail/georges-wenger-sarrete/

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